Par Eric Navenant et Aurelien Taboulet
Experts en cybersécurité et renseignement en sources ouvertes (OSINT)
Alors que l’Union européenne franchit une nouvelle étape dans sa stratégie de cybersécurité avec la directive NIS2 (UE 2022/2555), les organisations doivent repenser leur approche de la gestion des risques numériques.
Publiée en décembre 2022, entrée en vigueur le 16 janvier 2023, et devant être transposée dans les législations nationales d’ici au 17 octobre 2024, cette directive impose des obligations strictes aux entités publiques et privées jugées « essentielles » ou « importantes ». Au-delà des dispositifs techniques, un levier stratégique émerge : l’exploitation de l’OSINT (Open Source Intelligence).
NIS2 : une directive de rupture
Par rapport à la première directive NIS de 2016, NIS2 élargit considérablement le champ des entités concernées et renforce les obligations :
- Surveillance active des menaces
- Détection et notification des incidents en 24h
- Gouvernance de la sécurité au niveau exécutif
- Sanctions jusqu’à 10 millions d’euros ou 2 % du chiffre d’affaires mondial
Les exigences s’étendent aux infrastructures critiques, au cloud, aux prestataires IT, aux hôpitaux, aux banques, aux industries sensibles, etc.
OSINT : une brique essentielle de la conformité NIS2
L’OSINT devient un atout puissant pour répondre aux obligations des articles 20 à 25 de la directive. Son intégration stratégique permet d’améliorer la détection des menaces, la gestion des tiers, la réponse aux incidents et la sensibilisation humaine. Voici comment :
- Surveillance proactive des menaces
L’OSINT alimente la cybersécurité avec une veille 24/7 sur :
- Les réseaux sociaux (préparation d’attaques, fuites internes, usurpations)
- Le dark web (données compromises, ventes d’exploits, menaces déclarées)
- Les forums clandestins et bases de données publiques
Alignement NIS2 : détection précoce, cartographie de la surface d’attaque externe, notification rapide.
- Maîtrise de la chaîne d’approvisionnement numérique
La directive impose une attention particulière à la sécurité des fournisseurs. L’OSINT permet de :
- Surveiller les vulnérabilités affectant les partenaires
- Détecter les compromissions de tiers (cloud, SaaS, hébergeurs)
- Évaluer la réputation numérique des sous-traitants critiques
Alignement NIS2 : conformité à l’article 21(2), réduction du risque tiers.
- Notification et documentation des incidents
Les outils OSINT permettent une documentation rapide des incidents détectés :
- Alertes contextualisées prêtes à être transmises aux autorités
- Intégration dans les outils de gestion d’incidents (SIEM, SOAR)
- Réduction du délai moyen de réponse (<24h)
Alignement NIS2 : conformité aux articles 23 à 25.
- Renforcement humain et formation
Grâce à des cas concrets extraits de la veille OSINT, les campagnes de sensibilisation sont ancrées dans la réalité :
- Scenarios de phishing, spear phishing, deepfakes
- Bulletins de désinformation ciblés
- Simulations personnalisées
Alignement NIS2 : application de l’article 20, amélioration de la résilience humaine.
OSINT et NIS2 : vers une conformité augmentée
L’intégration de l’OSINT dans votre stratégie NIS2 permet de :
Besoin réglementaire | Réponse OSINT |
Détection proactive | Veille permanente surface/dark web |
Suivi des vulnérabilités | Alertes en temps réel sur données exposées |
Gestion des tiers | Analyse de la réputation et surveillance fournisseurs |
Notification rapide | Rapports prêts à l’envoi, documentation incidents |
Vision externe | Cartographie des expositions numériques |
En conclusion
La directive NIS2 incarne une volonté européenne de renforcer la souveraineté numérique et la résilience des infrastructures critiques. Mais au-delà de la conformité, elle offre aux entreprises l’opportunité d’intégrer une culture de sécurité proactive.
L’OSINT, bien employé, n’est pas qu’un outil de renseignement : c’est un accélérateur de conformité, un bouclier contre les risques invisibles, et un révélateur de vulnérabilités systémiques.
Dans un monde où l’information circule plus vite que les alertes internes, s’appuyer sur l’intelligence ouverte n’est plus un luxe — c’est une nécessité stratégique.